Entretien avec
le professeur Alfredo Manuel van Gelderen, Academico
Secretario de l'Academia Nacional de Educacion

Quel est votre
parcours et quelles sont aujourd'hui vos activités
?
Je suis professeur de lettres de formation et
j'ai commencé ma carrière en enseignant
à tous les niveaux. Très vite, je
me suis intéressé tout particulièrement
à l'éducation et entre autres fonctions,
je suis aujourd'hui secrétaire académique
de cette institution. J'enseigne également
la politique de l'éducation à l'Université
Catholique argentine.
Pouvez-vous retracer l'histoire de l'éducation
en Argentine ?
L'éducation se développe très
rapidement en Argentine dans les années
1880 : il faut alors éduquer les immigrants
et cette nécessité entraîne
une importante augmentation du nombre d'écoles
et d'universités.
Jusque dans les années 30, l'éducation
est très liée à l'économie
et l'éducation argentine traverse une période
brillante, les formations dispensées sont
d'ailleurs entièrement calquées
sur le modèle français.
Puis viennent les années 30, années
de dépression mondiale, au cours desquelles
la crise institutionnelle argentine se greffe
sur la crise économique mondiale. L'éducation
s'en ressent nécessairement et en 1943,
Peron tente de réformer l'éducation
argentine en mettant au point un nouveau modèle
Ce modèle peronien, quel est-il ?
C'est très simple, il s'agit d'une centralisation
massive de l'éducation : pour Peron, tout
doit dépendre de l'Etat et il ôte
leur autonomie aux universités. On assiste
alors à la mise en place d'un modèle
" mussolinien " ; la doctrine peronienne
est diffusée au moyen de l'éducation.
Il faudra attendre 1955 pour que le gouvernement
militaire alors en place autorise l'ouverture
des établissements privés.
Comment le système éducatif
argentin s'est-il " redressé "
?
En 1990, le Congrès a défini trois
lois à mettre en place au cours des années
suivantes : il s'agissait tout d'abord, pour 1991,
de décentraliser et de démocratiser
l'ensemble du système : les universités
argentines sont désormais autonomes, comme
les provinces. La réalisation du second
objectif était fixée pour 1993 :
la loi fédérale de l'éducation
que j'ai personnellement mise au point, fixait
des normes générales pour harmoniser
l'éducation dans les différentes
provinces ; enfin, la troisième loi concernait
l'enseignement supérieur et mettait au
point une coordination des universités
et des instituts.
Comment évaluez-vous aujourd'hui l'enseignement
supérieur argentin ?
Un système d'évaluation de la qualité
de l'enseignement pour le primaire et le secondaire
a été mis au point l'année
dernière selon des critères internationaux.
Les universités, quant à elles,
publiques et privées rendent des comptes
auprès d'une commission nationale.
Quel bilan peut-on faire de ce système
?
Le système est bon dans sa forme mais souffre
d'un problème de qualité. On observe
aujourd'hui un décalage important entre
le public et le privé. Le décalage
se joue d'abord en termes de taille : les universités
publiques sont gigantesques et démesurées
; il y a presque 250 000 élèves
à l'Universidad de Buenos Aires (l'UBA)
et la faculté d'économie de l'UBA
compte à elle seule 60 000 élèves
! L'UBA est un véritable état dans
l'état. A ce problème de taille
vient s'ajouter un problème d'assiduité
des enseignants : dans le privé, les professeurs
ont une " obligation de présence ",
dans le public en revanche, ils sont parfois trop
peu motivés. Ma fille étudie la
médecine dans une université publique
et elle n'a pas vu le professeur chargé
de la suivre depuis le début de l'année
! Cela étant dit, étant données
ces difficultés, les étudiants qui
sortent diplômés des universités
publiques ont du mérite et sont souvent
très bons.
Quels sont les enjeux principaux à
relever aujourd'hui ?
Le pourcentage d'étudiants qui entrent
dans le supérieur est encore trop bas :
36% des 18-24 ans seulement suivent un enseignement
supérieur et pour comprendre cela, il suffit
de se pencher sur l'enseignement secondaire. La
qualité des écoles secondaires publiques
est souvent mauvaise et les écoles privées
sont évidemment payantes. Aussi est-il
impératif d'améliorer la qualité
des écoles secondaires publiques. Dans
cette attente et faute de mieux, c'est à
l'université de compenser les carences
de l'école.
Academia Nacional de Educacion
Pacheco de Melo 2084
Buenos Aires
Tel et Fax : 4806 2818 / 8817
Contacts : acaedsec@acaedu.edu.ar
- avangelderen@ciudad.com.ar
Retour
au sommaire
|