Rencontre
avec Jean-Christophe Deberre, conseiller de Coopération
et d'Action Culturelle à l'Ambassade de
France au Maroc
"La
réforme de l'université marocaine
doit avant tout répondre aux problèmes
posés par la massification"
Après l'indépendance du Maroc
en 1956, les liens entre les universités
marocaines françaises sont restés
forts. Comment le service de coopération
a-t-il favorisé ces nombreux contacts et
quelle aide a-t-il fourni aux universités
marocaines ?
La coopération universitaire a beaucoup
évolué depuis la fin des années
1950, à mesure que se développait
le système universitaire marocain. Pour
simplifier, on peut distinguer trois phases, qui
marquent chacune une évolution importante
dans la nature des actions menées par le
service de coopération. La première
phase couvre la période de construction
du système universitaire nationale qui
ne comptait à l'origine qu'une seul établissement
à Rabat, l'Université Mohammed V.
La forme de collaboration la plus courante à
l'époque était l'envoi de professeurs
français afin d'assister la naissance des
nouvelles universités.
Au cours de la deuxième phase, jusqu'au
début des années 1990, nous nous
sommes concentrés sur des projets plus
spécifiques dans deux domaines où
notre savoir-faire pouvait être utile :
la recherche publique et les formations techniques
supérieures. Nous avons accompagné
le processus de structuration de la recherche
universitaire en mettant en place les programmes
dits " d'action intégrée "
(PAI). Ces programmes, aujourd'hui très
répandus, aident les laboratoires à
s'équiper du matériel nécessaire
et appuient la constitution de nouvelles équipes
de chercheurs. Les PAI ont été en
quelque sorte la matrice de la recherche universitaire
marocaine. Dans le second domaine, les formations
techniques supérieures, nous avons mis
toute notre expertise au service des structures
qui ont vu le jour dans les années 1970
et 1980.
La France a-t-elle joué un rôle
dans l'élaboration de la réforme
générale de l'université
publique marocaine ?
Oui, et cette étape constitue la troisième
phase de notre travail de coopération.
Plutôt que d'intervenir directement dans
la conception et la mise en place de la réforme,
nous avons joué un rôle d'intermédiaire
entre les Conférences des présidents
d'universités française et marocaine.
Seule cette mise en réseau était
susceptible d'aider le ministère de l'Education
et les équipes de spécialistes,
qui ont en permanence besoin de conseils et de
soutien. La collaboration entre les deux Conférences
a jusqu'à maintenant donné lieu
à trois rencontres, portant sur des aspects
précis de la réforme : " le
management de l'université autonome - quelle
culture des cadres à l'université
" ; " l'aménagement et l'enrichissement
des filières " ; et " la formation
à la recherche par la recherche : les écoles
doctorales. " A l'avenir, c'est dans ce domaine
que la coopération devrait se développer
: nous nous préparons à détacher
au Maroc des enseignants français chevronnés
pour créer les nouvelles écoles
doctorales.
Quels problèmes la réforme des
universités publiques doit-elle résoudre
?
Elle doit avant tout répondre aux problèmes
posés par la massification, phénomène
qui devrait s'accentuer au cours de cette décennie.
Les universités doivent être restructurées
pour accueillir un nombre plus grand de bacheliers,
les aider à surmonter les difficultés
pédagogiques et linguistiques auxquelles
ils sont confrontés, et assurer une bonne
sortie des diplômés dans le tissu
économique et social. Pour ce faire, le
Maroc a décidé d'inscrire sa réforme
dans une logique de cohérence avec le modèle
européen. Mais l'université ne pourra
à elle seule relever tous les défis.
Si la langue d'enseignement à l'université
demeure le français, les établissements
d'enseignement secondaire (dont la langue est
l'arabe, ndlr) doivent mettre les élèves
au niveau.
E-mail: jean-christophe.deberre@diplomatie.fr
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