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Le monde en images : Japon
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Carnet de route

Tokyo  

Si Tokyo coûte cher, c'est qu'elle est propre, moderne et confortable. Une ville à trois dimensions où les immeubles ont des restaurants et des magasins à tous les étages, où l'on descend et on monte du quatrième sous-sol au quarantième niveau d'une tour pour faire son shopping, où les métros s'enfoncent si bas sous-terre que le parcours jusqu'à la rame dure parfois plus longtemps que le trajet lui-même… Rien de beau à proprement parler dans ce cube aux enseignes lumineuses, si ce n'est parfois, au détour d'une rue, un jardin délicat ou un parterre de fleurs soigneusement arrangées qui entourent les portes en papier de petites maisons étroites, ou encore un temple doré éclairé de cierges où des hommes d'affaire viennent se recueillir quelques instants.
Ce qui rend la mégalopole aussi simple à vivre malgré la foule incessante et pressée de ses habitants, c'est la politesse des Japonais ou, mais c'est la même chose, leur respect de l'ordre. Les heures de pointe dans le métro sont l'occasion d'un manège surprenant : avant l'arrivée de la rame (annoncée à la minute près par des cadrans suspendus au plafond), la foule grouillante s'est alignée en rang le long des couloirs dessinés sur le sol et qui correspondent à l'emplacement des portes des wagons. Lorsque le train arrive, les Japonais y pénètrent lentement, sans jamais ni se bousculer ni dépasser d'une seule âme la contenance admise du wagon. Ainsi, chacun, lors du trajet, a sa poignée pour s'accrocher… et ses cinquante centimètres carrés pour respirer. Ni la marée humaine d'adolescents grimés de maquillages gothiques ou travestis en vampires sanguinolents, ni la horde nerveuse et sobre des employés d'entreprise ne rompt cet ordre établi : pas de violence ; ralentir ou attendre, plutôt que de montrer son impatience.
Tokyo a de nombreux centres qui, eux aussi, cachent dans le désordre apparent de la foule un ordre permanent, presque une hiérarchie. Et puisque au Japon, tout est déterminé par l'âge, l'animation des quartiers est une affaire de générations.

Harajuku : orgie collégienne

Des pandas, des vampires, des rockeurs, des punks, des anges, des démons, des adeptes du Shintoïsme… la foule a quatorze ans. Toutes les couleurs et toutes les rebellions du " Chaos des collèges ", pour citer un quotidien japonais, se promènent à Harajuku. Ont-ils revêti leur costume à cette occasion, ou les pré-adolescents japonais sont-ils réellement fous à lier ? Deux, trois rues peut-être sont entraînées dans la vague enthousiaste de leur extravagance, et ne désemplissent pas : on a l'impression d'un océan. Des lapins roses et bleus jouent du rock, sans que rien dans leur musique ne semble justifier leur étrange accoutrement. Des voyous pré-pubères aux cuirs cloutés ou aux chemises tâchées de faux sang, feuillettent dans les étalages des magasins la biographie de Led Zeppelin. Des adolescentes ont revêtu des robes de dentelles blanches, déchirées dans leur longueur, et se sont enroulées autour des mains des bandages antiseptiques.
Le tableau est plus émouvant encore qu'il n'est surprenant, car ces jeunes icônes aux costumes inquiétants ne feraient pas de mal à une mouche. La masse est si compacte dans ces rues étroites que l'on ne peut avancer qu'en trébuchant. Mais rien ne bouscule, rien ne presse, comme si tous n'étaient là que pour observer les autres. Et quel spectacle ! Quelle naïveté ! Quel paradoxe entre ces symboles que personne en occident n'oserait arborer et cette gentillesse que personne n'oserait feindre !

 

 

Shibuya : des jeux, des jeux et des jeux

A cinq cents mètres de Harajuku, Shibuya est plus vieux. Ce sont les universitaires dilettantes de Tokyo. Les poupées tannées en uniforme, les rebelles déjà en retard, les cadres encore attardés, qui se perdent dans le jeu vidéo. Machines à sous, courses de chevaux, pinces à cadeaux, karaokés, cinémas… Tout pour le divertissement, à croire que le Japon n'est pas en crise. Des salles de jeu sur sept étages sont assourdies par le son permanent des jetons que l'on glisse dans les fentes. Mais on n'y gagne pas d'argent : " aucun jeton n'est échangé contre des yens, " stipule le règlement. On ne gagne que le droit de rejouer ou, le cas échéant, d'emporter quelques peluches ou gadgets aux formes rondes et naïves. Les magasins de tout emploient des crieurs qui scandent leurs slogans à travers des haut-parleurs, couvrant à peine le nouveau tube de " Glay " (ni " White " ni " Black ", c'est-à-dire : Grey, orthographié à la japonaise)
Ce qui est à la mode aux Etats-Unis vient du Japon. Mais au Japon, c'est un sanctuaire : les photomatons locaux permettent toutes les excentricités, et les Japonaises y posent trois fois par jour ; et les jeux de rythme, ces jeux infernaux qui accélèrent leur pulsation au fur et à mesure que vos pieds, vos doigts ou vos baguettes s'emballent, occupent la concentration des badauds.

 

Ginza : banques et restaurants

A Ginza, les cheveux ont été coupés et les femmes ont disparu. Les piétons dont la marche s'est accélérée ne dépassent plus les clous : une brigade de chez Nissan croise une troupe de chez Fuji. Les gratte-ciels ont des vitres sans tain. Les Japonais marchent droit devant eux. Mais lorsque la nuit tombe, et que les premiers employés quittent leurs bureaux, les restaurants par centaines et les bars par milliers se remplissent soudain. Chaque restaurant a sa spécialité (qu'il est impossible de connaître lorsqu'on ne lit pas les Haikus) : foies de poulets, brochettes de méduses, entrailles de poisson… et les Japonais engloutissent avec autant de bruit que de dignité leurs bols de nouilles. Ils ne mâchent pas : ils aspirent tous les aliments.
Ce sont également de fins connaisseurs, et le quartier de Ginza regorge de pubs discrets où l'on ne vient que pour goûter une bière, un vin ou un whisky en particulier. Accoudé au comptoir, on parle calmement de vieux jazz ou de violonistes prodiges. Les Japonais de Ginza ne sont pas tellement plus vieux : ils ont tout simplement quitté l'université.


 

 

 

 

 

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©Un Monde à penser 2002