Rencontre
avec Ashok
Adiceam, directeur de l'Institut français d'Edimbourg
UMAP : Quel a été jusqu'à présent
votre parcours ?
En 1994, j'étais tout juste diplômé
de l'I.E.P. lorsque le Ministère des affaires
étrangères m'a envoyé faire ma
coopération au Nigéria. Pendant deux ans,
j'ai occupé là-bas un poste de lecteur
à l'université en même temps que
j'ai pris l'initiative de mettre en place une structure
de l'Alliance française dans le Sud-Est du pays.
Cette structure, alors inaugurée par l'ambassadeur,
a été " labellisée "
par l'Alliance française de Paris.
De retour à Paris en 1996, je suis rentré
à la Maison des Cultures du Monde pour orchestrer
l'organisation d'un festival de musiques du monde à
Rouen (le Festival de l'Imaginaire n'existait pas encore)
puis j'ai à nouveau demandé à être
détaché en 1997 : originaire de New Delhi
où j'ai vécu jusqu'à 7 ans, j'éprouvais
le désir d'être nommé en Inde. Mon
souhait a été exaucé et je suis
parti pour le Kerala où j'ai pris la tête
de l'Alliance française de Tri Van Drum - qui
est la capitale culturelle du Kerala. J'ai alors créé
une nouvelle structure à Cochin, carrefour commercial
de la région.
En 2000, de nouveau à Paris, j'ai dirigé
pour le Ministère de la culture un programme
d'accueil et de formation de professionnels étrangers
dans le domaine de la culture. Ce programme -le programme
" Courants "*, devenu " Courants du Monde
" après mon départ - est hébergé
et géré par la Maison des Cultures du
Monde où j'ai donc eu le plaisir de travailler
une seconde fois. En 2001, j'ai souhaité revenir
sur le terrain passionnant et difficile des médiations
culturelles et me voici depuis septembre à la
tête de l'Institut français d'Ecosse. C'est
l'occasion pour moi de découvrir un nouveau territoire
et je me réjouis de la diversité géographique
des postes que j'ai occupé jusqu'à présent
; chaque pays ouvre un nouvel espace humain et professionnel.
* Le programme " Courants " met les professionnels
étrangers de la culture (aussi bien des institutionnels
que des responsables culturels de tous les niveaux)
en contact avec leurs homologues français et
leur propose des formations techniques spécifiques.
Le but de ces échanges n'est pas seulement d'exposer
le modèle de la politique culturelle française
; il s'agit aussi et surtout de créer un réseau
de professionnels de la culture dans le monde.
UMAP : Comment concevez-vous votre métier
?
Au cœur du métier de médiateur culturel,
il y a pour moi une valeur essentielle : la réciprocité.
Il n'est pas question de s'imposer mais plutôt
d'essayer de tisser un partenariat culturel profond
en organisant en France également la promotion
culturelle des pays où les structures françaises
sont implantées. Les liens avec la Maison des
Cultures du Monde sont dans ce sens extrêmement
précieux. Ainsi, si j'intègre des artistes
français au programme des festivités musicales
qui se déroulent en août à Edimbourg,
je recommande et fais venir en France des artistes écossais
talentueux.
L'Institut français ne doit en aucun cas devenir
une galerie ou une vitrine de la France : nous voulons
plutôt être un vecteur de rencontres et
d'échanges entre les artistes de deux pays mais
aussi entre les professionnels culturels et éducatifs.
Nous voulons être l'artisan d'influences réciproques.
En avril 2002, l'Institut français abrite l'exposition
de lancement d'un jeune photographe britannique : Eliott
Brook. Cette exposition de " fleurs de Paris "
est montée en partenariat avec la ville de Paris.
Eliott Brook sera par ailleurs soutenu par l'Institut
pour être programmé au fameux festival
" Terre d'images " de Biarritz. Pour les jeunes
artistes, l'Institut, bien plus qu'un médiateur,
peut-être un véritable tremplin.
Si cette position d'intermédiaire est privilégiée
, elle n'est pas toujours facile à tenir : il
faut savoir renoncer souvent à ses propres penchants
pour répondre aux attentes de ses interlocuteurs.
Je suis moi-même spontanément attiré
par la musique et les arts de la scène. Toutefois,
j'ai réalisé depuis mon arrivée
en septembre dernier que les écossais étaient
plus sensibles aux arts visuels. Photos, peintures et
sculptures " parlent " tout particulièrement
aux Ecossais qui sont fiers de leur patrimoine dans
ce domaine et curieux de découvrir des artistes
étrangers. C'est donc un terrain très
privilégié pour les échanges .
J'ai d'ailleurs prévu pour août 2002 de
faire venir de Paris l'exposition Matisse qui se déroule
ces jours-ci à Beaubourg. Dans le cadre privilégié
du jardin botanique d'Edimbourg, les Ecossais pourront
découvrir ou redécouvrir le célèbre
peintre français.
UMAP : Quelles sont les particularités de
ce poste écossais ?
Le poste que j'occupe à Edimbourg est privilégié
puisque les relations sont très chaleureuses
entre la France et l'Ecosse depuis l'Auld Alliance.
L'Institut français d'Ecosse fondé en
1946 est d'ailleurs l'un des centres culturels français
les plus anciens et le français est la première
langue étrangère. De plus, les aspirations
culturelles sont très fortes en Ecosse : depuis
la reconstruction de leur Parlement en 1997, les Ecossais
sont en pleine " reconstruction identitaire "
et ils se tournent volontiers vers le modèle
continental , en particulier vers la France.
A l'Institut, l'accent est mis sur les cours de français
car le plurilinguisme est malheureusement en danger
en Ecosse, et ce du fait de la décentralisation
: en ce qui concerne l'éducation, la Grande-Bretagne
responsabilise l'Ecosse qui s'en remet aux autorités
locales, il n'y a donc pas de vraie politique d'ensemble
dans ce domaine.
UMAP : Avez-vous eu le temps de mettre en place
de nouveaux programmes culturels depuis votre arrivée
?
Oui, j'ai mis sur pied un programme d'échanges
culturels entre la France et l'Ecosse. Les rencontres
d'Ecosse ont lieu à Edimbourg depuis mars 2002
sous forme de tables rondes. Les professionnels de la
culture des deux pays se retrouvent pour débattre
en anglais de sujets prédéfinis devant
un public composé à la fois d'artistes,
d'intellectuels, de chefs d'entreprises culturelles
et de journalistes. Le but de ces rencontres est de
présenter et de partager les diverses réponses
théoriques et pratiques qu'apportent la France,
l'Ecosse et tout le Royaume-Uni aux questions culturelles
qui s'inscrivent désormais dans un processus
de globalisation. Aussi les thèmes choisis sont-ils
clairement orientés dans ce sens : Le multiple
et l'Unique - Globalisation et identité culturelle
- était le thème de la première
table ronde du 1er mars 2002, La coopération
culturelle européenne était la problématique
en jeu lors des rencontres de mai 2002…*
Il est prévu que des comptes rendus et des actes
nés de ces tables rondes soient mis en ligne
sur le site Internet de l'Institut. Je projette également
de rédiger un livre de synthèse une fois
que les quatre premières tables rondes auront
eu lieu. Enfin j'aimerais parvenir à élargir
le public des rencontres en conviant notamment des étudiants
intéressés par les questions débattues.
Tout cela est encore à préciser.
* Thèmes à venir : août 2002 :
culture et technologies de l'information, octobre 2002
: le Commonwealth et la francophonie.
©Un Monde à
penser 2002
Retour
au sommaire
|