Rencontre avec
Philippe Blanchot,
étudiant à l'Université
Al Akhawayn en échange avec l'IEP de
Paris
"L'environnement
général de l'université
est assez surprenant"
Etudiant en troisième année
à l'IEP de Paris, Philippe Blanchot a quitté
provisoirement la rue Saint Guillaume pour Ifrane,
petit village du Moyen-Atlas abritant l'Université
Al Akhawayn. Un séjour d'études
à l'étranger dans lequel il s'est
pleinement investi puisque son université
d'accueil vient de le recruter pour améliorer
sa stratégie de développement et
de communication.
Quel bilan fais-tu de ces trois premiers mois
à Al Akhawayn ?
L'emploi du temps à Al Akhawayn est assez
léger ; les cinq cours semestriels n'exigent
pas plus de quinze heures de présence en
classe chaque semaine. Etant venu à Al
Akhawayn pour apprendre l'arabe et mieux connaître
le monde dans lequel on le parle, j'ai naturellement
choisi les cours d'arabes classique et marocain
ainsi que trois cours de civilisation : "
Gouvernement et politique en Afrique du nord ",
" Histoire du monde arabe " et "
Civilisation islamique ". Hormis ce dernier
qui, par la faute d'étudiants ayant une
vision étroite de l'islam, n'est jamais
l'occasion d'exercer son esprit critique, ces
cours sont riches, intéressants et m'apportent
ce que je cherchais.
L'environnement général de l'université
est en revanche beaucoup plus surprenant. Pour
protéger les étudiants et les équipements
luxueux du campus, un important dispositif de
sécurité a été mis
en place. On compte plusieurs dizaines de vigiles
et de caméras, l'accès à
certains sites Internet est censuré, il
y a même un brigade canine anti-drogue
Rien n'est laissé au hasard et cette étroite
surveillance pèse nécessairement
sur les conditions de vie. Mais il serait injuste
de s'appesantir sur cet aspect des choses ; Al
Akhawayn est aussi un espace de liberté
: c'est par exemple grâce à elle
que la sociologie et la philosophie politique
ont pu être réintroduites au Maroc.
Les étudiants de Al Akhawayn sont-ils
très politisés ?
Moins que dans les grandes universités
publiques du Maroc, au sein desquelles l'Union
nationale des étudiants marocains (UNEM)
est souvent le syndicat majoritaire. Autrefois
trotskiste, l'UNEM est aujourd'hui proche du mouvement
extrémiste Al Adl Yal Ihssan (ce qui signifie
" Justice et Charité ", NDLR),
dirigé par Nadia Yassine que j'ai rencontrée
dans le cadre d'une courte étude sur la
presse indépendante au Maroc. Ce mouvement
religieux a adopté une rhétorique
marxiste et appelle à la révolution
pour le salut du peuple. Il n'est cependant pas
politique, et c'est ce qui fait sa force auprès
des étudiants comme de l'homme de la rue.
Pour éviter des amalgames, il faut aussi
préciser que Al Adl Yal Ihssan n'est pas
d'inspiration wahabite mais soufi : il condamne
donc Al Qaida et toute autre forme d'intégrisme
terroriste.
Au deuxième semestre, as-tu l'intention
de t'investir dans d'autres activités pour
remplir ton emploi du temps?
Oui, mais les possibilités sont limitées
car Ifrane est loin de tout. J'ai fait une demande
de stage à mi-temps auprès de la
direction de l'université, cela me paraissait
être la solution la plus simple vis-à-vis
de Al Akhawayn et d'un point de vue pratique.
Ma demande vient d'être acceptée
et je vais m'occuper à partir de janvier
2003 de redéfinir la stratégie de
développement et de communication de l'université,
notamment dans ses relations avec les entreprises
et les grandes administrations du pays. Mon rôle
consistera à étudier de près
la situation actuelle puis à formuler des
propositions afin de décloisonner et de
diversifier le recrutement et les modes de financement.
©Un Monde à
penser 2002
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