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Rencontre avec Victor Hugo Morales, journaliste argentin

 

 

" L'Argentine était un pays qui avait un avenir, aujourd'hui, c'est un pays qui appartient au passé "

D'origine uruguayenne, Victor Hugo MORALES doit son prénom à l'admiration que vouait son père au grand poète français. Installé en Argentine depuis vingt-deux ans, il partage son temps entre le journalisme et l'écriture et constate aujourd'hui que la corruption des médias argentins mime de façon irrémédiable celle du gouvernement.


Quelles sont vos différentes activités ?

Commentateur sportif pour la radio Continentale, j'anime, également pour la radio, des émissions musicales d'opéra et de musique classique. Je présente par ailleurs à la télévision (sur la Seite) une émission quotidienne d'informations - un " petit-déjeuner " où sont conviés différents spécialistes de sujets culturels et d'actualité - et j'écris régulièrement pour différents magazines argentins et uruguayens.

Vous portez un prénom français, vous parlez le français, vous sentez-vous particulièrement attaché à la culture française ?

Mon père était un admirateur inconditionnel de Victor Hugo et la culture uruguayenne est de toutes façons très liée à la culture française. Cependant, je me suis mis à étudier le français il y a assez peu de temps : je devais me rendre en France pour couvrir la coupe du monde du football en 1998 et cela a été l'occasion de m'y mettre sérieusement. J'éprouve aujourd'hui un immense plaisir à pouvoir lire Victor Hugo en français.

Qu'est-ce qui caractérise selon vous les médias argentins ?

Les médias argentins sont actuellement dans une situation dramatique car leur pouvoir est exclusivement lié à celui des entreprises, elles-mêmes rattachées à l'Etat. De fait, les médias argentins ont aujourd'hui perdu de vue une qualité primordiale : l'éthique.
Bon nombre d'entreprises argentines sans rapport aucun avec le journalisme ont racheté petit à petit des chaînes de télévision ou de radio dans le seul but de protéger certains de leurs intérêts : la corruption passe donc par ce canal et cette situation n'est qu'une des nombreuses composantes d'une décadence généralisée.Désormais, lorsque les journaux présentent un titre, on ne sait pas si c'est spontanément ou à la demande du gouvernement.
L'Argentine a un problème pire que la corruption de son gouvernement, c'est l'état actuel des médias qui devraient plus que jamais jouer leur rôle critique à l'égard de la politique.

Il existe bien des journalistes avisés et honnêtes. Pourquoi aucun d'entre eux ne prend-il fermement la parole ?

C'est impensable : la presse vit de l'argent que rapportent les publicités des entreprises. Il est impossible de dénoncer la corruption de ces entreprises nourricières sans courir à sa perte. Tout le monde se tait. C'est le principe même de la corruption

Etes-vous vous-même assujetti à cette corruption généralisée des médias ?

J'ai réussi à conserver jusqu'à présent un statut de journaliste indépendant mais je m'aperçois que mon pouvoir de négociation s'amenuise de plus en plus. Si mon contrat avec la Seite dure depuis si longtemps, c'est pour une raison très simple : en préservant cette émission indépendante, l'Etat fait croire à l'opinion publique qu'il laisse encore les gens penser librement. Le public est d'ailleurs conquis par l'indépendance de cette émission qui n'a rien à voir avec la " ligne " de la chaîne. Je n'aborde jamais de sujets politiques et si ma neutralité est respectée, c'est notamment parce que je ne suis pas d'origine argentine.

Que pensez-vous de la situation actuelle de l'Argentine ?

Dans ce pays, le pouvoir a toujours été lié à la corruption et à l'autoritarisme. La situation actuelle de l'Argentine est absolument dramatique et ne changera jamais. Sur 500 entreprises importantes en Argentine, 2/3 appartiennent aujourd'hui à des étrangers, il y a 25 millions de pauvres et 10 millions d'indigents. Les conditions intellectuelles et morales du pays ont peu a peu périclité. Et ce en grande partie du fait de la collaboration des journalistes avec le gouvernement. Aucun espoir n'est permis car le sentiment d'identité nationale n'existe pas en Argentine : il a été détruit par le gouvernement de Menem qui a anéanti la culture pour avoir une meilleure emprise sur les gens. Ici, le nivellement se fait systématiquement vers le bas. Le gouvernement s'évertue à démoraliser le pays pour pouvoir ensuite obtenir plus facilement l'acceptation de tout ce qu'il propose. En mars prochain aux nouvelles élections, il est prévu que Menem soir réélu, cela donne une idée de l'état mental de la population…

Est-il inenvisageable que la jeunesse argentine reprenne en main l'avenir de son pays ?

En Argentine, il y a 500 000 jeunes entre 16 et 20 ans non scolarisés, sans travail, sans culture et sans espoir, ils ne mangent pas à leur faim, ils sont tous drogués ; ils sont la base de la délinquance. Puisqu'ils ont la certitude que leur avenir est noir, qu'ils sont abandonnés, une seule chose leur importe : trouver de l'argent pour leur drogue. Alors, ils tuent. C'est aussi simple que ça et c'est un cercle vicieux irrémédiable.
Cette incapacité totale à aligner l'intérêt du pouvoir sur celui des individus est le grand échec de l'Argentine. L'Argentine était un pays qui avait un avenir, aujourd'hui, c'est un pays qui appartient au passé, un pays dont la jeunesse est désespérée.

Victor Hugo Morales : vh2612@hotmail.com

Juncal 3190, Piso 30
Capital Federal
Argentina

 

©Un Monde à penser 2002

 

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