Rencontre
avec Michel GRENIE,
attaché à
la coopération universitaire à l'Ambassade
de France en Chine
A
l'heure où la Chine s'ouvre au monde avec
détermination, le gouvernement chinois
réalise qu'un développement économique
durable doit nécessairement être
soutenu et relayé par un système
éducatif solide et performant. De fait,
" une réforme magistrale du système
éducatif chinois est en cours " explique
Michel Grenié. Entretien et présentation
d'un...
...système
universitaire chinois dans tous ses états
Quels sont les principaux objectifs de cette
réforme éducative ?
Ils sont multiples et précisément
définis par le gouvernement qui entend
éradiquer l'illettrisme ; généraliser
la scolarisation obligatoire pendant neuf ans
; développer l'enseignement secondaire
technique, l'enseignement des adultes et la formation
continue ; renforcer le niveau d'éducation
des filles, des minorités nationales et
des régions pauvres ; augmenter, enfin,
de façon significative, l'effectif d'étudiants
qui accède aux études supérieures.
Comment la réforme s'organise-t-elle
?
Le gouvernement chinois a entrepris une réforme
structurelle inspirée du modèle
français : il délègue certaines
responsabilités aux collectivités
territoriales et locales tout en conservant ses
prérogatives dans le domaine de la politique
éducative, des programmes et de leur mise
en uvre.
Quelles sont les défaillances du système
universitaire chinois ?
En Chine, 10% seulement d'une classe d'âge
accède à l'enseignement supérieur.
C'est trop peu. Les universités - longtemps
paralysées par leur manque de moyens -
ne sont pas en mesure d'accueillir tous les étudiants
désireux de suivre des études supérieures
et cette triste réalité fausse les
cartes de l'orientation. En effet, l'accès
aux études supérieures repose sur
un double processus : chaque étudiant exprime
trois vux (de filière et d'université)
qui sont exaucés ou non en fonction du
score obtenu à l'examen national. Il va
sans dire que plus les formations visées
sont cotées, plus le score exigé
pour y accéder est élevé.
Le droit à l'erreur n'est donc pas permis
et la plupart des étudiants préfèrent
exprimer leurs vux à la baisse plutôt
que de prendre le risque de se voir fermer les
portes de l'enseignement supérieur. Aussi,
rares sont ceux qui étudient la filière
de leur choix dans l'université de leur
choix et les " rejetés " du système
sont autant de " clients potentiels "
pour les universités étrangères.
Le gouvernement mène-t-il une politique
particulière en matière universitaire
?
Le panorama universitaire chinois est aujourd'hui
en chantier car le gouvernement entend à
la fois augmenter la capacité d'accueil
des établissements et améliorer
la qualité des formations. Pour ce faire,
l'Etat chinois a lancé en 1994 le "
programme 911 " destiné à promouvoir
100 universités d'excellence; autant d'universités
" clés " qui bénéficieront
d'un soutien financier accru.
Quelles sont les conséquences de ces
décisions ?
Une véritable concurrence s'instaure dès
lors entre les établissements. Certains
fusionnent dans le but d'atteindre une dimension
internationale, d'autres augmentent leur frais
d'inscription afin de financer partiellement leur
modernisation. Tous sont conscients qu'ils ont
un rôle à jouer et essaient de s'adapter
précisément aux besoins des étudiants.
On assiste également à l'émergence
d'universités privées destinées
à accueillir les étudiants refusés
par les universités d'Etat et ce phénomène,
approuvé par l'Etat, donne lieu à
une revalorisation du statut des enseignant. Il
s'agit de prévenir leur " fuite "
dans les établissements privés.
On peut noter enfin que les formations techniques
- qui correspondent à l'une des priorités
du gouvernement - sont les grandes bénéficiaires
de cette réforme, d'autant plus qu'elles
correspondent à un fort besoin actuel.
Par leur biais, une nouvelle frange d'étudiants
accède à l'enseignement supérieur.
Que dire des étudiants chinois ?
Socialement, le modèle de l'enfant unique
domine et donne lieu au phénomène
de l'enfant roi au service duquel s'activent à
la fois parents et grand-parents. Aussi de grandes
attentes reposent-elles sur les études
des jeunes Chinois et la plupart d'entre eux sont
" chauffés " par des cours particuliers
durant le secondaire. Une non-admission à
l'université équivaut à un
déshonneur familial, d'autant plus que
ceux qui ont échoué ont très
peu de chance de réintégrer le système.
Une fois à l'université, les étudiants
restent très cocoonnés ; ils sont
logés, nourris et pris par la main du matin
au soir. Leur attitude demeure longtemps immature
et très scolaire : ils sont mis sur des
rails mais ne font pas, rappelons le, de vrais
choix d'orientation. Leur niveau est dans l'ensemble
honorable mais ils n'ont aucune compétences
précises lorsqu'ils entrent à l'université
car le secondaire est exclusivement généraliste.
En Chine, il existe un véritable fossé
entre le secondaire et le supérieur.
Quel regard les jeunes chinois portent-ils
sur ce système universitaire ?
La jeunesse chinoise est aujourd'hui ancrée
dans la consommation et les étudiants ont
tendance à être très critiques
par rapport à leur système. Ce pays,
prétendument communiste, est fasciné
par les Etats-Unis et, de façon générale,
les jeunes Chinois considèrent l'étranger
comme un eldorado. Le problème est conjoncturel
: on assiste en Chine, à l'émergence
d'une classe moyenne aisée et le pouvoir
d'achat des étudiants augmente sensiblement,
aussi souhaitent-ils allonger la durée
de leurs études. Or, le système
universitaire chinois a du mal à faire
face à cette demande de plus en plus importante
et exigeante. Les regards se tournent donc logiquement
vers l'étranger.
Les départs pour l'étranger
sont donc massifs ?
Oui, de toute évidence, l'étranger
constitue une solution de rechange pour les étudiants
qui ne parviennent pas à accéder
aux études supérieures et les départs
sont favorisés par un contexte général
de mondialisation et de développement des
échanges. Les étudiants chinois
- puisqu'ils peuvent désormais se le permettre
financièrement - partent à l'étranger
à la fois pour compléter leurs formations
et pour découvrir de nouveaux domaines
d'études (tels que la gestion des ressources
humaines ou encore la logistique internationale)
qui correspondent aux nouveaux besoins de la société
chinoise mais ne sont pas encore couverts par
les universités.
La Chine est le premier pays pourvoyeur d'étudiants
dans le monde et, à l'inverse, les universités
chinoises s'organisent pour accueillir dans les
meilleures conditions le plus grand nombre d'étudiants
étrangers.
Le gouvernement est-il favorable à
ces départs ?
Depuis quelques années, le concept d'expatriation
temporaire des étudiants ou des jeunes
cadres est très bien vu par le gouvernement
chinois qui encourage les départs. Fidèles
à leur pays, les Chinois sont de plus en
plus nombreux à revenir vers la Chine après
des séjours à l'étranger.
Les provinces et les municipalités y veillent,
d'ailleurs, en proposant des conditions de retour
très attractives.
©Un Monde à
penser 2002
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