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Rencontre avec Philippe Noble, conseiller culturel à l'ambassade de France aux Pays-Bas

 

 

Lettres classiques et néerlandais

Philippe Noble suit "une formation littéraire française traditionnelle " : après ses classes préparatoires, il intégre l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm. Des liens affectifs avec les Pays-Bas le poussent à se mettre au néerlandais parallèlement à ses études de lettres. A Paris IV, il obtient donc tous ses U.V de néerlandais et se lance dans un doctorat. " Par pur plaisir puisque mon cursus était par ailleurs complet ". Aussi, après avoir enseigné le français pendant quatre ans, Philippe Noble accepte en 1979 un poste de maître de conférence en néerlandais au département des cultures nordiques de Paris IV. Un poste qu'il occupera pendant près de 14 ans. " Une vingtaine de départements dispensent aujourd'hui des cours de néerlandais, observe-t-il. Ce n'était pas le cas autrefois ; cet enseignement s'est développé très récemment, un peu au hasard des décisions administratives. Depuis trois ou quatre ans, il est même possible de passer un Capes et une Agrégation de néerlandais. Toutefois, seules trois universités proposent un cursus complet dans cette matière (Paris IV, Lille III et l'université de Strasbourg) . "

Une carrière administrative

Depuis 10 ans, Philippe Noble travaille pour le Ministère des Affaires étrangères. Après avoir dirigé la Maison Descartes (c'est-à-dire l'Institut français d'Amsterdam) et passé deux années en Belgique, il est, depuis 2000, conseiller culturel à l'Ambassade de France aux Pays-Bas. " Contrairement à ce que son nom indique, ce poste n'est pas directement lié à la culture ", explique Philippe Noble avec un brin de regret. " En fait, je joue le rôle d'un administrateur. " Il s'agit en effet de coordonner tout le dispositif culturel français des Pays-Bas. Le conseiller culturel est un interface, pour employer une formule à la mode, entre ceux qui occupent des postes consacrés à la culture française aux Pays-Bas et leurs interlocuteurs parisiens. Philippe Noble est également en charge du budget : c'est lui qui répartit les crédits alloués à la culture en concertation avec ses collègues.

" Je ne travaille malheureusement pas au contact du néerlandais ou des arts, puisque tout cela est délégué à des structures spécifiques. En revanche je trouve particulièrement intéressant d'avoir à me pencher sur les questions politiques soulevées par la relation entre la France et les Pays-Bas. Ma fonction me permet également d'avoir une relation privilégiée avec l'ambassadeur que je conseille sur des sujets liés, d'ailleurs, à l'enseignement plutôt qu'à la culture. Ceci est nouveau pour moi et me semble particulièrement enrichissant. "

Un réseau culturel français dynamique

Une attachée culturelle responsable des arts plastiques et des arts de la scène, un autre en charge de la science et de la technologie, un autre encore attaché aux universités… " Tous les domaines culturels sont ici explorés par les représentants français, que ceux-ci soient affiliés à l'ambassade ou qu'ils travaillent dans des institutions autonomes." Certains détachés culturels sont envoyés auprès des Instituts : il y a ainsi deux attachés linguistiques à la Maison Descartes. Deux fonctionnaires sont également détachés auprès de l'Alliance française. L'un d'eux coordonne le réseau des Alliances et il a fort à faire car il n'y en a pas moins de 35 aux Pays-Bas. De niveaux très différents, elles dispensent des cours variés à plus de 9000 étudiants.

A chacun sa spécialité : le centre culturel de Groningen -dépendant de la maison Descartes- est particulièrement orienté vers la musique et le cinéma. L'ambassade, quant à elle, est plutôt tournée vers les arts de la scène et les arts plastiques. Ainsi la culture française se déploie sur tout le territoire, pour le plus grand plaisir des néerlandais semble-t-il : " Le festival de cinéma français que nous organisions à La Haye a eu un tel succès ces dernières années que nous ne pourrons plus désormais le gérer nous-mêmes. "

Passion : la traduction

C'est en préparant son doctorat que Philippe Noble s'initie à l'art exigeant de la traduction : il traduit lui-même le roman qu'il a choisi de présenter à l'examen. Par l'intermédiaire d'un ami, il a ensuite l'opportunité de présenter son manuscrit chez Gallimard. Le texte est publié et Philippe Noble fait ainsi son entrée dans le monde de l'édition. Parallèlement à ses travaux de traduction, il dirigera d'ailleurs une collection d'Actes Sud pendant ses années d'enseignement. Il s'apprête aujourd'hui à travailler à nouveau avec eux.

En tant que traducteur cependant, il est indépendant et il se rappelle à quel point il était difficile il y a vingt ans de convaincre un éditeur de traduire des romans en néerlandais. " A présent, les choses sont plus simples puisque, pour le néerlandais comme pour le reste de la littérature européenne, tout passe par des canaux classiques : les éditeurs se rencontrent entre eux, à Francfort notamment, et font ensuite appel aux traducteurs -nous sommes une petite vingtaine seulement en ce qui concerne le néerlandais. " Ce système bien orchestré a malheureusement une limite : " On ne peut guère traduire et faire connaître dans l'édition généraliste que des auteurs contemporains. Si l'on veut s'intéresser a des auteurs importants mais plus anciens, il faut se réfugier dans des collections plus savantes", explique Philippe Noble qui se réjouit d'un projet sur lequel se penchent actuellement quelques-uns de ses amis: " il est question de créer une collection au sein des Presses Universitaires du Nord (une filiale des P.U.F.) pour diffuser des textes qui ne peuvent trouver leur expression au sein de l'édition commerciale. J'aimerais pour ma part me pencher sur des auteurs du XVIIème siècle. " M. Noble est cependant fidèle à ses auteurs contemporains favoris qu'il " suit " au fil de leurs publications. " Il est rare que je traduise un seul livre d'un auteur " précise-t-il. Ainsi, il a traduit tous les romans et quelques-uns des récits de voyage du poète et romancier Cees Nooteboom, la plupart des livres également de Harry Mulisch, de Leon de Winter…

La traduction pourtant est un travail particulièrement minutieux et de longue haleine. Dans les années 80, Philippe Noble traduit entre 2 et 3 livres par an. " C'est un maximum et je me suis rendu compte que cette activité finissait par empiéter sur mon travail d'enseignant, j'ai donc restreint le temps que j'y consacrais. " Cette activité extrêmement agréable est en même temps un peu ingrate : elle nécessite un temps fou et est assez mal payée. " Personne en France ne peut se permettre d'exercer ce métier à temps plein. La plupart du temps, c'est une activité parallèle. En Hollande en revanche, un système de subventions permet aux traducteurs de se consacrer exclusivement à cette activité. "

" La proportion des livres traduits est infime, ce qui explique que la littérature des Pays-Bas soit une terre inconnue pour la France. " A Amsterdam, pourtant, la vie littéraire est intense et les maisons d'édition dépassent l'échelle nationale. Traditionnellement, les Hollandais sont très amateurs de nouvelles. Grands voyageurs, ils affectionnent également beaucoup le récit de voyage. " Il est intéressant d'observer à quel point la vie littéraire hollandaise s'enrichit aujourd'hui des livres produits par des néerlandais d'origine marocaine, turque, ou encore d'Europe de l'Est. Comme la société française, la société des Pays-Bas est multiculturelle et ce multiculturalisme prend forme en littérature. "

A découvrir: Le jour des morts de Cees Nooteboom; La découverte du ciel de Harry Mulisch

" La Hollande, un pays où il fait bon vivre "

" Même si j'avais désiré partir, j'ai eu beaucoup de mal à quitter Paris il y a 10 ans. Aujourd'hui, lorsque j'y retourne, je suis ravi mais je ne me sens plus vraiment chez moi. "

Lorsque l'on demande à ce Hollandais de cœur, ce qui le séduit particulièrement aux Pays-Bas, il trouve la question difficile. " Ces sociétés néerlandaises sont très calmes et semblent dépassionnées par rapport à la société française. Il est rafraîchissant de vivre dans cette atmosphère sympathique, à un rythme plus détendu qu'en France. Ici, on organise mieux son temps et son travail. La différence est frappante. En face de l'Ambassade, au Ministère des Finances, il n'y a plus personne dès cinq heures dans les bureaux et pourtant ils travaillent tout autant que nous. Ils sont simplement organisés différemment. Il y a aux Pays-Bas, un véritable art de vivre ", observe encore Philippe Noble qui se souvient d'une époque, pas si lointaine, où les habitants d'Amsterdam vivaient quasiment en communauté. " Cela semble aujourd'hui surprenant, mais jusque dans les années 75, les portes d'entrée des maisons restaient ouvertes toute la journée ! "

Après Amsterdam, Philippe Noble découvre La Haye , capitale politique de la Hollande : " une ville résidentielle qui habite de nombreuses organisations internationales. Il n'y a pas vraiment d'unité à La Haye , l'habitat est très éclaté, c'est une ville essentiellement résidentielle, conçue à l'anglo-américaine. "

La différence entre Amsterdam et La Haye lui semble saisissante, notamment en ce qui concerne la vie littéraire ; " elle est entièrement concentrée à Amsterdam. A La Haye, malgré la richesse théâtrale et musicale qui répond aux attentes d'un public averti, il n'y a pas à proprement parler de vie littéraire. "

 

©Un Monde à penser 2002

 

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