Nicolas Giovanetti,
lecteur à la Beijing Language and Culture
University

La célèbre Beijing Language
and Culture University est partenaire de l'Ecole
Normale Supérieure. A ce titre, elle compte
régulièrement parmi ses lecteurs
de jeunes étudiants français. C'est
dans le cadre de cet échange que Nicolas
Giovanetti est arrivé en Chine en août
2001. Titulaire d'une maîtrise de philosophie
et agrégé de lettres modernes, le
jeune normalien de 24 ans est avant tout un grand
voyageur. Sa curiosité l'avait mené
jusqu'à présent au Moyen-Orient,
au Pakistan, en Iran, en Inde et en Afrique, il
vit désormais depuis plus d'un an à
Pékin, sur le campus de l'université,
dans l'un des petits appartements confortables
mis à la disposition des enseignants étrangers.
Dans son salon, le grand timonier - représenté
sur une affiche - pose un regard menaçant
sur les visiteurs - " Du second degré
", précise Nicolas, un petit sourire
aux lèvres. Rencontre.
Pourquoi la Chine ?
Pourquoi pas ? Je suis séduit par le cinéma
chinois, grand vivier aussi bien en termes de
productivité que de qualité. Au
niveau culturel, le cinéma européen
est mort depuis dix ans. La littérature
et la poésie chinoises sont également
merveilleusement riches. Et puis la Chine est
un beau pays, l'Asie une région tentante.
J'ai appris le chinois assez facilement et je
profite de mon temps libre pour me promener. C'est
une vie agréable.
Quel est ton rôle au sein de l'université
?
Je suis professeur au sein de la faculté
de langues qui propose des cursus universitaires
classiques en quatre ans. A la BLCU, les cursus
normaux se distinguent des programmes spéciaux
réservés à des stagiaires
(boursiers, pour la plupart). Ces étudiants
bien spécifiques travaillent déjà
et ont tous un bon niveau dans leur domaine de
compétence. Ils sont envoyés en
France (dans le cas des étudiants en français)
pour se spécialiser ou achever leurs études
; il leur faut suivre auparavant une formation
préparatoire intensive.
Les cursus de français classiques sont,
quant à eux, suivis par quatre classes.
Deux d'entre elles sont composées de jeunes
chinois qui viennent d'achever leurs cursus et
qui partent poursuivre leurs études en
France, à leurs propres frais. Les deux
autres sont réservées aux plus brillants
éléments des minorités ethniques
: dans la cadre d'un programme à visée
politique, le gouvernement entreprend ainsi de
former des élites locales parmi les minorités
ethniques.
Comment tes cours se déroulent-ils
?
Mes cours sont censés être exclusivement
linguistiques mais j'y intègre systématiquement
une part de civilisation. Tous les étudiants
savent pourquoi ils sont là ; ils ont de
bonnes raisons de se donner du mal et sont donc
extrêmement motivés. J'enseigne d'ailleurs
à des étudiants déjà
bien formés : mon rôle est de leur
faire pratiquer leur oral et malgré leur
bonne volonté, ce n'est pas forcément
évident : les Chinois ont une culture très
" ethnocentrée " ; il est difficile
d'instaurer avec eux un réel dialogue.
En Chine, les langues s'apprennent comme des sciences
et c'est un vrai défi de parvenir à
faire parler les étudiants. Toutefois,
pour des gens qui apprennent des langues sans
sortir de leur pays, les Chinois se débrouillent
bien et le niveau général de l'université
est bon.
Que penses-tu du système universitaire
chinois dans son ensemble ?
C'est un système parfaitement rigide. Les
étudiants sont mitraillés d'examens
jusqu'à la fin de leurs études secondaires.
Le concours d'entrée à l'université
est très difficile et il est impossible
de s'inscrire librement dans l'université
de son choix pour étudier la discipline
de son choix. Les étudiants doivent faire
des choix stratégiques et c'est ainsi que
beaucoup de candidats en anglais se rabattent
sur le français (matière moins cotée
et donc plus accessible).
La majorité des étudiants qui peuplent
les universités étudient ce qu'ils
n'aiment pas, sans motivation. Ce fonctionnement
est absurde, d'autant plus que l'université
en soi n'est pas exigeante : il est quasiment
impossible de rater un examen universitaire undergraduate.
Les étudiants n'ont donc aucune alternative
?
Il reste l'étranger. Le système
chinois est si peu stimulant qu'il crée
une mode de départs à l'étranger.
Les étudiants Chinois en viennent à
se dire : tout sauf la Chine, ils préfèrent
aller suivre des formations médiocres ou
nulles à l'étranger plutôt
que de rester en Chine. Aussi, leurs choix d'orientation
sont-ils souvent absurdes et le gouvernement français
est souvent, pour cette raison, obligé
de refuser des visas. Les candidats Chinois susceptibles
de profiter pleinement d'un enseignement étranger
choisi de façon cohérente sont privilégiés.
Il y a quelques années, le gouvernement
chinois était très défavorable
à ces départs et les étudiants
qui revenaient de l'étranger ne trouvaient
pas de poste. Aujourd'hui, le processus s'est
inversé et il y a une réelle ouverture
sur l'étranger.
Qu'en est-il des professeurs ?
Ils sont bons. En Chine, l'enseignement en soi
est bon. Depuis cinq ou six ans, l'éducation
fait partie de la ligne idéologique du
gouvernement. Les professeurs sont " invités
" à travailler comme des fous ; ils
doivent former des entrepreneurs. Le culte de
la réussite professionnelle est la nouvelle
arme économique du développement
et la création d'entreprise une sorte de
salut. Pourtant, la majorité des étudiants
chinois a encore du mal à affirmer son
autonomie, rares sont ceux capables de prendre
des initiatives.
Lire également l'article sur la Beijing
Language and Culture University.
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