La plus vieille université d'Allemagne, célèbre autrefois pour ses philosophes et ses théologiens, se distingue aujourd'hui dans les disciplines scientifiques.

Un modèle qui s'exporte encore

On ne présente plus Heidelberg qui, si elle n'est pas déjà connue pour sa vieille université, l'est pour ses ruelles baroques et les ruines de son château Renaissance. Après avoir suscité l'engouement des grands écrivains romantiques allemands, la ville continue, 600 ans après la création de l'université, à séduire étudiants et touristes. " Nous recevons chaque année plus de 10000 candidatures venant de l'étranger, pour à peine 3000 places réservées aux candidatures spontanées", détaille fièrement le directeur des relations internationales, Albrecht Bayer. Autre signe que l'Université d'Heidelberg demeure une référence internationale : elle vient d'ouvrir un petit " satellite " à Santiago du Chili, qui propose un Master en sciences politiques (spécialisation Europe).

Une université classique

Au cours des siècles, Heidelberg a prouvé sa capacité à se renouveler et à rebondir. A la fin du 14ème siècle, l'Université, créée en opposition à la Sorbonne, attire de nombreux professeurs et étudiants qui décident de quitter Paris. Au 16ème, la Faculté de théologie, régie par l'esprit de la Réforme, devient un des hauts-lieux de l'humanisme. Au 19ème, les romantiques donnent une nouvelle vision de la ville en louant sa beauté mélancolique, son atmosphère et sa vie intellectuelle dans des poèmes dont certains, comme l'Ode à Heidelberg de Hölderlin, figurent dans de nombreuses anthologies de la littérature allemande. Au 20ème enfin, l'université se reconstruit après la deuxième guerre mondiale sous l'impulsion de professeurs qui, comme le philosophe Karl Jaspers, avaient fait sa renommée au début du siècle.

" Comme l'indique notre devise : " L'esprit vivant ", nous n'avons pas de domaine de prédilection ", affirme Albrecht Bayer. L'Université d'Heidelberg est en effet toujours restée un établissement complet : les quatre facultés fondées en 1386 (Théologie, Droit, Philosophie et Médecine), qui appréhendaient l'ensemble du savoir humain, se sont divisées, au gré des évolutions de la connaissance, en quinze facultés*. C'est autrefois la philosophie, et plus généralement ce que nous appelons aujourd'hui les sciences humaines, qui contribua au rayonnement de l'université. Hegel y a publié son Précis de l'Encyclopédie des sciences philosophiques ; Karl Jaspers, qui disait d'Heidelberg qu'elle " incarne la vie de l'esprit ", a occupé une chaire jusqu'en 1948 ; le grand spécialiste de l'herméneutique, Hans-Georg Gadamer, mort cette année à l'âge de 102 ans, a passé sa longue et riche carrière d'enseignant à Heidelberg.

La rue centrale : piétonne, touristique et commerçante

La Faculté de pharmacie

Le professuer Michael Wink, doyen de la Faculté

Une formation qui monte : le Master en biotechnologie

Après la guerre, avec l'aménagement d'un second site plus moderne pour les disciplines scientifiques, puis de centres de recherche spécialisés, la tendance s'est progressivement inversée. La ville qui fut le théâtre des premiers amours de Goethe se distingue désormais grâce à ses Facultés de pharmacie et de biologie. Ces dernières sont d'ailleurs pionnières à Heidelberg dans la mise en place de cursus internationaux de type Bachelor/Master : " nous avons mis en place un Bachelor de biotechnologie qui débouche sur un Master intégralement en anglais, et ces deux diplômes s'obtiennent par le système des credit points ", explique le doyen de la Faculté de pharmacie, Michael Wink. " Le Master est déjà très prisé puisque nous avons reçu l'année dernière plus de 400 candidatures pour 45 places." A l'avenir, Michael Wink envisage d'aménager tous les cursus de pharmacie comme celui de biotechnologie : " le Bachelor mènerait à des carrières de pharmacien et le Master à des postes de chercheurs de l'industrie. "

La création, sur un périmètre restreint, de hauts-lieux de la recherche en biologie comme le Centre de recherche en biologie moléculaire, le Centre national de recherche contre le cancer, l'incubateur comptant 50 jeunes pousses ou l'EMBL (European Molecular Biology Laboratory) ont fait d'Heidelberg un pôle important dans ce domaine en plein développement. La région délimitée par le Rhin et le Neckar s'est d'ailleurs vue décerner le titre de " bio-région ", un titre très convoité qui a permis à Heidelberg de gagner la confiance des investisseurs privés et publics.