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L'UNAM : Institution,
révolution et extension
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L'UNAM coûte à ses étudiants
un quart de dollars par an. Elle est par excellence
l'institution de l'ascension sociale pour tous,
celle par laquelle il est rendu possible à
chaque Mexicain de suivre des cours de qualité
et de participer aux recherches de pointe. Mais
la plus grande université d'Amérique
Latine, avec ses 250 000 étudiants, ses
36 000 professeurs et ses 27 000 administratifs
est une organisation tentaculaire, et son poids
dans le pays lui confère un pouvoir parfois
presque égal à celui du gouvernement.
Son statut autonome lui garantit une indépendance
véritable vis-à-vis du gouvernement,
et la liberté d'enseignement fait partie
de ses fondements. Grâce à sa taille,
son histoire et sa population étudiante,
elle possède les armes suffisantes pour
garantir cette liberté, si difficile à
obtenir pour tant d'universités publiques
à travers le monde.
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La bibliothèque de l'UNAM
dont les mosaïques représentent les
pans essentiels de l'histoire mexicaine
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Des étudiants de philosophie en pause
déjeuner
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Tous les domaines du savoir y sont enseignés,
et ce à trois niveaux : l'enseignement
secondaire (l'UNAM donne cours à plus de
100 000 lycéens, qui se répartissent
entre l'Ecole Nationale Préparatoire -
ENP - et le Collège de Sciences humaines
- CCH), les études professionnelles et
le 3ème cycle. Elle prend en charge l'essentiel
de l'enseignement du pays : 50 % de la recherche,
10 % des étudiants niveau maîtrise,
50 % des docteurs… et peut s'enorgueillir
de ses succès académiques. Notamment,
les trois prix Nobel mexicains y ont fait leurs
classes : Alfonso Garcia Robles, Prix Nobel de
la paix en 1982, Octavio Paz, Prix Nobel de littérature
en 1990, et Mario Molina, Prix Nobel de chimie
en 1995.
Le gouvernement de l'Université est, comme
on peut s'en douter, structuré de manière
complexe : L'Assemblée de Gouvernement,
le Conseil Universitaire, le recteur, le Comité
de Patronage Universitaire, les directeurs des
facultés, des écoles et des instituts,
ainsi que ceux des centres de recherche…
autant d'entités qui, comme dans un mini-état,
jouent le jeu du pouvoir.
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Les étudiants, plus révolutionnaires
que la révolution
Au sein de cet organigramme touffu, les étudiants
sont représentés : deux d'entre
eux sont élus dans chaque faculté
et siègent au Conseil Universitaire. Leur
pouvoir a d'ailleurs été démontré
lors de la grève organisée par eux,
qui a duré en 2000 une année entière,
et qui a provoqué in fine la démission
du recteur. Son successeur, Juan Ramon de la Fuente,
reprenant le contrôle de l'université
par les armes (intervention de l'armée)
a renoncé aux réformes prévues.
Pourquoi ont-elles brisé le consensus si
précieux de la plus grande université
d'Amérique Latine ?
Il faut savoir que la majorité des étudiants
de l'UNAM y ont suivi les cours de lycée
et sont automatiquement admis dans le premier
cycle ; les autres, dont la plupart sont issus
du privé, doivent passer un examen. Voulant
réparer cette injustice et augmenter en
même temps la sélectivité
de l'université, le précédent
recteur avait prévu de faire passer l'examen
d'entrée à tous les étudiants
sans exception. Il souhaitait également
élever les frais de scolarité à
150 euros par an environ. Mal lui en a pris :
plus royalistes que le roi, les étudiants
tiennent aux fondements de l'UNAM : " Public,
gratuit, universel. "
Isabel, licenciée de chimie, explique
: " Nous savons, au Mexique, qu'il est possible
de faire de la politique en manifestant. Je fais
partie d'une association qui lutte contre la pollution
à Mexico, mais trop peu de gens nous écoutent.
Dans la province du Yucatan , les habitants ont
tout simplement cessé toute activité
pour empêcher la création d'un centre
touristique qui risquait de ruiner définitivement
le patrimoine naturel et historique : ils ont
obtenu gain de cause. "
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Le rectorat de l'UNAM
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La cité universitaire à Mexico
13 facultés, 25 instituts, 7 centres et
7 programmes de recherches… Le campus de
l'UNAM, la Ciudad Universitaria (Cité universitaire),
au sud de Mexico, est l'un des seuls endroits
de la capitale où les espaces aérés
et les pelouses permettent de respirer un peu,
où l'odeur insistante du gazole ne pénètre
pas. Surtout, les représentants de l'architecture
moderne du Mexique, eux-mêmes anciens étudiants,
y ont réalisé des œuvres qui
font aujourd'hui la fierté de l'UNAM :
le stade olympique, le rectorat, la bibliothèque
centrale… Sur les murs de cette dernière,
Juan O'Gorman a conçu des mosaïques
qui représentent 400 ans de l'histoire
mexicaine. Et sur les flancs de l'immeuble du
rectorat, le muraliste David Alfaro Siquiero a
réalisé deux " sculpto-peintures
"…
Bien sûr, le calme apparent du campus ne
suffit pas à cacher le désordre
qui y règne : des graffitis énormes
sur les fenêtres, des locaux insalubres,
des couloirs interminables aux portes identiques…
Mais ce remue-ménage incessant qui l'anime
même au milieu de juillet permettra sans
aucun doute aux étudiants étrangers
qui viendront y passer plusieurs mois en accord
d'échange, de vivre une expérience
passionnante et, qui plus est, de suivre des cours
de qualité. " Etudier à l'UNAM,
c'est non seulement comprendre le Mexique grâce
à elle, mais aussi comprendre l'Amérique
Latine grâce au Mexique. " résume
Juan Martin de la Luz Beltran, du bureau des relations
internationales.
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" L'esprit parlera par ma
race "
Créée il y a 451 ans, l'UNAM a
été nationalisée en 1910.
Sa devise " L'esprit parlera par ma race
", choisie en 1929 par José Vasconcellos,
au moment où l'Université Nationale
de Mexico devenait autonome (UNAM : Université
Nationale Autonome de Mexico) est à comprendre
au sens hégélien du terme comme
la réalisation historique de l'idéal
latino-américain : " L'Amérique
latine pense être la synthèse de
tous les autres pays du monde, explique Pedro
Joel Reyes, professeur de philosophie, elle a
toujours voulu s'unifier, notamment contre les
Etats-Unis et contre l'Europe. " L'UNAM porte
ensuite l'héritage des réfugiés
espagnols du franquisme dans les années
40 puis des mouvements marxistes de 1968. Comme
la plupart des grandes universités publiques
d'Amérique latine, elle s'est " démocratisé
" lors de cette dernière période.
Plus qu'une simple université, l'UNAM est
le symbole du monde latin indépendant,
le refuge des exilés de toutes les dictatures
(Chili, Colombie, Venezuela…), la fierté
du Mexique qui résiste encore à
l'envahisseur américain (contrairement
au TEC qui, lui, se fonde entièrement sur
le modèle anglo-saxon). Sa politique internationale
s'est très tôt orienté dans
ce sens.
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De l' "extensionisme "
universitaire
Dès 1921, l'UNAM crée un organisme
original destiné à enseigner aux
étudiants étrangers la langue espagnole
et la culture mexicaine : le CEPE veut faire "
rayonner la présence de l'UNAM dans le
contexte international " (brochure officielle).
Il organise notamment les cours obligatoires des
étudiants étrangers venus faire
à l'UNAM leur maîtrise ou leur troisième
cycle : histoire du Mexique, géographie
et organisation politique de l'Etat. Car étudier
à l'UNAM, même quand on est étranger,
c'est déjà être citoyen mexicain
!
Le CEPE possède deux centres à l'étranger
: le premier, à San Antonio dans le Texas,
était à sa création en 1944
un centre culturel destiné aux Mexicains
texans. Mais c'est aussi la seule instance de
représentation d'une université
mexicaine aux Etats-Unis. En tant que telle, elle
a joué, et joue toujours, un rôle
primordial dans les relations entre les deux pays
frères-ennemis. Le deuxième centre
se trouve à Hull, au Québec. Le
rôle de cette " Ecole d'Extension "
est toujours de promouvoir la culture mexicaine.
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L'UNAM et la France
Le Mexique est très proche de la France,
alternative historique à la domination
anglo-saxonne : " Il n'est pas facile de
nouer des accords avec les universités
américaines. Les meilleures, à l'exception
de Harvard et Yale, sont toutes privées
; et d'ailleurs, ce n'est pas vital, explique
Carlos Nolte, directeur des relations internationales,
Entre la France et le Mexique, c'est une vraie
histoire d'amour, mais sans être romantique,
c'est aussi une longue histoire de collaboration
des recherches. " Selon Julian Montemayor,
attaché de coopération universitaire
à l'Ambassade de France : " La France
est le premier partenaire du Mexique pour les
échanges universitaires et le second pour
la recherche. " Symptomatique, tous les centres
du CEPE enseignent le français en plus
de l'anglais.
Mais, malgré ces liens serrés, L'UNAM
ne possède pas d'accord de double diplôme
ni avec la France ni avec d'autres pays. L'essentiel
des échanges se fait en effet au niveau
post-graduate, selon le modèle bilatéral
classique et concerne des projets de recherches
précis. Par ailleurs, la taille et l'importance
de l'UNAM justifie ses relations directes avec
l'Ambassade française et avec l'ORSTOM.
L'UNAM a en conclusion développé
sa propre politique internationale, et ce bien
avant que l'internationalisation des études
et l'harmonisation des diplômes ne deviennent
des problématiques mondiales. En raison
de sa taille et de sa philosophie, l'Université
est aussi un Institut Culturel étroitement
lié aux Ministère des Affaires Etrangères
mexicain, ce qui lui donne une force et une efficacité
que jalousent notamment les Français. "
La politique de coopération universitaire
française est très agressive au
Mexique, surtout ces dix dernières années.
Les ministres français se déplacent
en personne pour mettre en place les accords ",
explique sans ironie Carlos Nolte.
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Lire aussi l'article sur le Centre
culturel de l'UNAM et le portrait
d'un de ses animateurs,
le
Père Didier Leurent
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